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Saint-Lunaire et les mystères de l'existence
7 décembre 2004

Paris - Marseille - Paris

Aujourd'hui, je n'étais pas là. J'étais en voyage. Un départ au petit matin.

Vous savez quand le beurre est trop froid ou le pain grillé trop fragile, le jus d'orange trop vite avalé, le café trop chaud car on veut le boire trop tôt, et trop laissé à refroidir ensuite (et trop tard pour un deuxième), la rue qu'on descend trop vite parce qu'il fait trop frais, le métro bien trop chaud car on a trop couru, puis la gare trop vaste avec ces quais en trop, cette machine à composter trop stupide évidemment, ce billet trop souvent sorti pour mémoriser place et voiture et ne pas trop parcourir le quai dans trop de sens, mais ce billet qu'on ressort de toute façon à l'entrée du wagon, et puis la place, trop bien pour y croire, juste parfaite, isolée, dans le sens de la marche, une table centrale pour poser ses bouquins, et dans le siège vide en vis à vis, qui sait, une perspective de très jolie brune, vu qu'à trop se presser on était trop en avance.

Rien de mieux que le voyage en TGV. Le départ est d'une douceur absolue. On est assis immobile, on regarde la gare, et les gens, et la gare. Et les gens. A un moment, parfaitement imprévisible, le quai commence à s'enfuir insensiblement en arrière. On sent que c'est irrésistible, alors on l'accompagne un peu des yeux, comme on ferait d'un souvenir que l'on verrait filer vers le passé. Ensuite, le quai est remplacé par quelques décors habituels, puis, au fur et à mesure, par des paysages oubliés.

Mais aujourd'hui était un jour à brume.

Alors ne subsistent que des mondes inconnus. Surtout avec cette brume à grande vitesse dont l'horizon si proche révèle une surprise à chaque instant. Une colline, une forêt, une muraille, des lueurs, une forme étrange d'animal, une surpression-vibration-bleue d'une seconde, un bout de ville, du noir, un morceau de ciel. On n'a pas encore eu le temps d'identifier une sensation qu'en arrive une autre. Cela fait penser à un survol des marais yttrifères de Ventiane, en tapis volant, sur une planète dont j'ai oublié le nom du côté du système Alpha Centauri.

Et puis le soleil se lève.

Et vous éprouvez, à cette seconde où le wagon entier s'illumine, cette même évidence que lorsqu'en avion vous franchissez les nuages: à tout instant, il existe, simultanément, un monde où il fait beau.

Vous réalisez à cette occasion qu'il n'y avait pas de brune dans le siège en face. Mais cela n'a aucune importance, ce jour-là. Le train ralentit déjà. Dans quelques instants ce sera le Vieux-Port.

Le Vieux-Port et ses blancheurs marines.

Puis c'est un rendez-vous, et puis le train du soir.
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Commentaires
S
Bibi >> dans le coeur, dites vous ? Voyons voir...attendez... juste là, là ? Hum, effectivement.
S
o4vents >> ou alors ne pas dormir du tout.
S
Epsilon >> ça risque même d'être épuisant, c'est grand l'Aquitaine.
S
Pierrot >> ah oui l'yttrium: n.m. Jeux de société. Corps rare indispensable au scrabble.
S
Mlle A >> cela faisait bien longtemps ! Allez donnez-moi votre tasse, j'ai là un Yin Zhen dont vous me direz des nouvelles.
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